Étalée sur le sol, j'ai l'impression de cracher mes tripes. La douleur est vive, mes mouvements douloureux. Je reste un instant sur le sol, tentant de ramper, mais trop longtemps à son goût. Il m'assène un énième coup de pieds dans les côtes. Mon souffle se coupe, et je retiens mes larmes tandis qu'il s'avance encore. " Alors tu vas pleurer dans les jupes de ta mère fillette ? " Je serre les dents et relève la tête, son regard bleu électrique me transperce, j'entre ouvre les lèvres, mais avant que je ne puisse lui livrer le fond de ma pensée, le métal de son poing américain vint percuter ma mâchoire avec lourdeur. Mon corps, juvénile, retombe sur le sol avec fracas. " Sale enculé de fils de pute. " Il s'approche, un sourire étrange sur le visage. Nous nous regardons dans le blanc des yeux sans rien dire, pendant que je tousse mes tripes et que le sang se mélange à ma salive. Mais il me tend la main, que je repousse d'un coup de pied fébrile. Je me redresse par mes propres moyens, une douleur parcourant ma chair. Je sens mes os craquer lorsque je redresse mon dos. " Ok c'est tout pour aujourd'hui la Crevette. "  Je soupire, il s'arrête toujours, il s'arrête avant que je ne tombe dans les pommes, ou que mes ecchymoses commencent à être visibles.

Je me redresse complètement, comment en suis-je arrivée là déjà ? Eh bien c'est sa faute à lui en réalité. Je ne saurais jamais pourquoi, mais lorsque je n'étais encore qu'un vulgaire nourrisson, ce mec a décidé de buter toute sa famille, et j'en ai été la seule rescapée. Pourquoi ? Parce qu'un bébé ça s'met à la nounou, et que lors d'un massacre, un oubli est vite arrivé. De toute façon ce mec est pas du genre à regarder les faire parts de mariage, ou les annonces de naissance sur papier glacé. Orpheline, j'ai été placée dans une sorte d'orphelinat dégueulasse où les gamins se battent pour un bout d'jambon.  Et alors que je grandissais sans repère, obligée de casser la gueule à des consanguins pour une assiette de Pierojki immangeables. Lui avait le cul bien installé dans une prison de pecnots  tout autant consanguins. Mais à la différence de moi, lui, il est sorti très vite, manque de preuves qu'ils disaient les trous du cul de policiers. J'ai vécu jusqu'à ce que j'ai six ans dans ce trou à rats décrépi, et comme si ma vie n'était pas assez pourrie, ils s'étaient dit qu'un exercice comportemental serait apprécié pour cet enculé d'assassin égocentrique. Alors voilà, étant donné que je pouvais me torcher seule et que je pissais plus dans mon lit, c'est à lui qu'ils m'ont refilé. En mode : tiens voilà c'est ton nouveau papa, profites-en bien même si c'est un bâtard de première catégorie. Pendant longtemps on ne s'est rien dit, parce qu'on en avait rien à foutre de l'autre et que de toute façon, on avait mauvais caractère, que je trouvais la maison pourrie, que je le trouvais tout aussi pourri, et lui, j'étais une sorte de chien à qui fallait donner la gamelle trois fois par jour. Sans oublier de l'amener à l'école, parce que bon, faut un minimum de dressage pour les cloportes. Seulement un an plus tard, tout sembla changer. Il avait reçu un appel du directeur de l'école primaire, en disant que j'avais planté la pointe de mon compas dans le dos de mon camarade parce qu'il m'avait pris ma gomme Hello Kitty. Lorsqu'il était venu, il exigea que je dise au directeur que je regrettais mon geste. Et j'ai dit non. En rentrant, je me suis pris la raclée d'ma vie, mais pas une seule fois j'ai arrêté de sourire. Trop fière pour regretter. On touchait pas à Hello Kitty. Et c'est comme ça qu'il a eut l'idée...

Maintenant, ça doit bien faire treize ans qu'il m'éduque comme ça, à devenir une rebelle, une tueuse, une vermine de premier ordre. Je suis sa petite, sa pute, sa diversion. Il m'envoie en catin repérer les vilains, les méchants. Les jeunes garces ils connaissent, et ils seraient prêts à tout pour qu'une gamine écarte les cuisses pour leurs bites décrépites. J'suis prête à faire entrevoir mon entre cuisse pour qu'ils m'embarquent dans un coin sombre où lui il attend.  J'ai pas d'honneur moi, et j'en ai jamais eu. A quoi ça sert d'façon quand on sait avec qui je vis ? J'suis une enfant modèle le jour mais la nuit j'deviens toute autre. J'suis la p'tite pute qui annonce le grand méchant loup. Je suis la chienne de Mikhail, dressée pour les tenter, les tuer. Je suis sa nièce bien aimée. Cette vie, c'est un rêve qui n'a pas de fin, un sommeil duquel je ne me réveille pas. C'est comme s'il m'avait enlevé quelque chose, comme si finalement je ne voulais connaître que ça. La manipulation, le fait de cacher le fait que l'on aime c'que l'on fait. J'ai toujours des pensées étranges lorsque je parle aux gens qui m'entourent. Toujours cette envie d'arracher sa langue et de lui foutre au cul. A cet espèce d'enculé de première année qui ne cesse de m'agripper. Il m'a encouragé à avoir des amis mais je n'en ai pas besoin, moi je tape dans le vieux, dans le vrai mandrin. Mon oncle ne supporte pas cette aversion que j'ai pour les jeunes de mon âge, mais faut m'comprendre j'ai pas l'même putain d'tempérament. Il m'a apprit à apprécié les ancêtres, les adultes, les vilains. Alors j'fais c'que j'dis, je m'entoure d'adultes, de coquins. Tout ça finira mal nous dira-t-on, mais t'sais ce qu'en fais des on dit ? J'lui fais un fuck bien profond, à sa morale à la con.

Mais retour à la réalité. Je suis levée maintenant, lui assis sur son canapé. Je l'observe de dos, et je pense que finalement j'ai d'la chance d'être tombée sur lui. Je serais devenue quoi sinon ? Orpheline, une vraie catin prônant la sodomie pour un morceau d'pain.  Et bizarrement, c'est dingue même, mais j'tiens à cet enculé plus qu'à ma virginité. Masochiste probablement, folle certainement pas. J'suis quelqu'un. J'peux pas être touchée sans qu'il vienne pour le décalquer. L'enculeur enculé, voilà c'qui s'fait désormais. J'suis pas une biche, je suis une battante. De toi à moi, c'est moi la méchante. Le premier à avoir tenté de me toucher,  vit sa bouche entrer en collision avec son pénis. Mon père ne m'aurait jamais appris tout ça, Mikhail lui, oui, sans aucun soucis. Je déchire des langues et brise des os sans regrets. Il m'a taillée dans la roche, et c'est ce qui me plait. On est faits du même bois lui et moi. Parce que mine de rien on s'éclate, j'vis dans une maison pas trop moche, sans être trop riche ni trop pauvre. J'suis au lycée, une vie sociale d'une ado attardée, un oncle hors du commun, pas de restriction aucune, pas d'couvre feu, pas d'règles bien précises. Si pas d'garçons. Mine de rien, l'oncle reste un adulte, et moi son enfant, comme si tout à l'heure je suis sa p'tite, et même si c'est un connard insensible il a fini par s'attacher à moi, et maintenant hors de question que j'm'arrache. Il m'a offert des possibilités, un avenir incertain mais dont le danger fait frémir mon palpitant, j'suis amoureuse de ses crimes, entichée d'sa vie. Il m'a offert un toit, une existence presque sordide. Le bien le mal, on s'en contre carre, les valeurs à la con d'une petite fille modèle c'est dépassé, maintenant je les fais s'aligner, face au mur, mains dans l'dos, coup de batte après tout un numéro.

Je me dirige vers ma chambre, spacieuse et tranquille. Reflétant ma personnalité étrange, disciplinée, carrée. Cette bonne vieille chambre contenant l'intitulé de ma vie. Un lit double aux draps rouge satiné. Murs sombres, couleur anthracite, armoire incrustée à miroir triple. Le sol, d'une agréable douceur, en poil rougeâtre rappelant mes draps. Décoration épurée, tableaux bancals, de style abstraits.  Ordinateur dernier cri sur bureau de verre finement travaillé. Je soupire, lorgne sur mes plaies devant mon reflet. Je nettoie, désinfecte, retiens les gémissements dues aux picotements incessants. J'regarde autour de moi, j'ai gagné tout ça. Faut pas que j'baisse les bras. Un jour mon oncle m'a dit, le jour où tu me mettras face contre terre, je t'emmènerais faire la misère. J'ai retenu ces mots, j'ai ces paroles, il l'a dit, il le fera. Quand je l'aurais battu il m'emmènera, je passerais de criminelle à réelle psychopathe, je tuerais sans vantardise, mais avec rage, folie, et passion. Je soupire, retourne dans le salon, l'observe de nouveau, fais quelques pas pour atteindre la cuisine, et ouvre le frigo. Je chope une bière dans le réfrigérateur que je regarde longuement. Les petites bulles montantes et implosant dans la bouteille me font légèrement sourire. Je referme la porte avec fracas et m'avance lentement vers mon oncle avec souplesse. Mon corps se mouvant avec légèreté dans l'espace je m'arrête. Et d'un coup sec la bouteille part. Fendant l'air telle une flèche pour venir s'exploser sur le crâne de la victime de l'invitation malsaine. Il se retourne, le regard provocateur. Je me prépare, bouge les doigts en lui faisant comprendre d'approcher. " Qu'est-ce que t'attend suceur de bites, deuxième round. "