Vous aimez? Ce ne serait pas un mal! S'ils existent encore, c'est qu'ils se vendent. Certes, ce n'est point un gage de qualité mais Svetlana n'ignorait aucunement que la lecture de pareils magazines peut parfois faire passer le temps. Il n'y a jamais rien de bien intéressant dans une salle d'attente. Et ces revues féminines étaient plutôt amusantes. Entre articles de régime et recettes plus que calorique, entretien avec des célébrités souvent plus qu'inintéressantes, et les publicités se cachaient toujours ces petites pages sur le développement personnel. Une discipline que n'appréciait guère notre demoiselle. De la pseudo-psychologie, ne vous permettant de cibler que ce qui vous arrangeait. Toutefois, la policière aimait se prêter parfois au jeu. Réfléchir à son plus gros défaut, du moins celui qu'elle voulait s'attribuer, où prendre quelques minutes pour ne penser seulement qu'au positif. Celui qu'elle avait sous les yeux en cette fin d'après-midi lui demandait de repenser à son existence comme si elle n'était que spectatrice afin de percevoir ce qu'elle aurait voulu se cacher. Pratique étrange, n'est-ce pas? Sans réel intérêt. Et pourtant...notre amie fini par s'y prêter.

Son plus vieux souvenir n'avait rien de palpitant. Une simple histoire de balançoire que sa sœur aînée avait cassé alors qu'elles n'avaient que six et trois ans. Un jouet qui fut rapidement remplacé par une plus grande aire de jeux pour enfants. Toboggan, nacelle, échelle de corde...D'aussi loin qu'elle pouvait se rappeler, leur père ne cessait de leur offrir des cadeaux plus que plaisants pour les gamines insolentes qu'elles étaient. Non point qu'on leur cédait chacun de leurs caprices mais la plupart des jouets voulu finissait par arriver. Même les plus chers. on ne se soucie guère de comment l'achat a pu être effectué lorsque l'on est enfant. Si tel avait été le cas, sûrement Svetlana se serait demandé comment une femme au foyer et un simple inspecteur de police pouvait se permettre autant de folies. Produits de luxe, jolies voitures et vacances...Mais notre demoiselle ne se posa jamais la question. Peu maligne? Ce que vous êtes mesquin. Aveugle comme la plupart des enfants. Elle ne s'interrogea pas plus lorsque arriva un ordinateur dans le bureau familiale pour le Noël de ses treize ans. La demoiselle commença alors à s'intéresser à l'informatique et, comme je vous l'ai déjà révélé, s'amusa à commettre des petits méfaits. Sûrement, était-ce une forme de rébellion plutôt masquée envers un paternel qui symbolisait à ses yeux la justice et surtout l'autorité.

Vous vous demandez ce qui l'amena à se lancer dans la police plutôt que dans l'informatique? La sécurité de l'emploi, en quelque sorte. Et l'envie de travailler dans la cyber-criminalité, même si cela lui demandait de devoir être une simple bleue pendant quelques années. Ce fut d'ailleurs lors de sa première année au sein des forces de l'ordre russes que notre Svetlana comprit comment son père avait fait en sorte de s'assurer un certain confort. Un ripou? Ce mot est tellement laid. Disons plutôt qu'il ne refusait aucunement d'aider un pauvre être en perdition. En échange d'un peu d'argent...Déçue? Effectivement. Toutefois, quelques mois plus tard, notre demoiselle recommença à offrir ses services à qui était prêt à lui grossir son compte en banque. Après un an d'expérience en tant que bleu et grâce à un petit coup de pouce, la jeune femme se vit offrir un poste dans la brigade de cyber-criminalité. Et son existence n'avait rien de plus. Réfléchir sur celle-ci? Bah, à quoi cela lui servirait-il? Svetlana ne comptait aucunement la changer. Comme toutes celles qui se seraient prêtées à l'exercice. L'intérêt du développement personnel était que l'introspection ne durait jamais trop longtemps. Non?

"Mademoiselle Doroshenko? Le Docteur va vous recevoir." annonça la secrétaire.

Pardon? Oh non, rassurez-vous, notre demoiselle n'avait rien de grave. Ce n'était qu'une simple visite de routine. Un suivi trimestriel que notre amie s'imposait depuis cette fameuse pneumonie qui l'avait alité pendant quelques mois et ne lui faisait à présent aucunement regretter les longues heures passées sur le terrain.